L’image de la France est très présente en
Chine. La France, destination de rêve pour les touristes chinois, est
également aujourd’hui une source d’inspiration pour les entreprises
chinoises qui ne manquent pas d’utiliser des noms français pour leurs
marques et parfois même leurs enseignes. Le « capital-marque »
français, c’est-à-dire la valeur de la marque aux yeux du consommateur,
est déjà très élevé. En effet, les marques françaises jouissent d’une
grande renommée sur le marché chinois ; il est important de pouvoir
tirer parti de cet avantage non négligeable, ainsi que de parvenir à le
maintenir et à le renouveler. Les entreprises françaises et
internationales désirant développer leur marque sur le marché chinois
doivent prendre en considération trois aspects majeurs : la création de
la marque en chinois, l’évaluation de la force de la marque par rapport
au secteur d’activité ainsi que par rapport aux entreprises
concurrentes et enfin, la valeur de l’actif marque qui est un
fondamental lors des opérations de fusion-acquisition ou de
partenariats de type joint-venture. Le choix d’un nom de marque en
chinois, la gestion et le suivi du « capital-marque » ainsi que la
valorisation de l’actif marque représentent les trois principales
étapes du cycle de vie d’une marque.
Quel nom chinois pour une marque française ?
Le choix du nom de la marque est primordial car il constituera l’un des
facteurs-clés de l’accès du produit au marché. Certaines entreprises
françaises ont fait d’excellents choix quant à leur nom chinois ainsi
le groupe Carrefour (家乐福, jiā lè fú) qui fait référence à la maison
heureuse et prospère. Cependant, nombreuses sont les entreprises qui
ont rencontré des problèmes d’adaptation du nom de leur marque en
chinois et qui, dotées de noms multiples assortis de déformations ou de
jeux de mots puisés dans la culture chinoise, ont vu leur image se
flétrir. Un nom de marque ou de produit en Chine est composé d’un ou de
plusieurs caractères chinois référant chacun un univers de sens et de
sons. Cette richesse sémantique, issue des différentes combinaisons
possibles de caractères chinois, constitue un excellent support pour
les valeurs et les missions de l’entreprise.
A travers un nom, le consommateur doit pouvoir entrevoir les bénéfices
qu’il va tirer de l’usage du produit. En outre, le choix d’un nom,
adapté au marché chinois, va incontestablement permettre à l’entreprise
de créer des liens plus forts avec sa clientèle, en s’appuyant tout
particulièrement sur la culture, l’histoire et les aspirations
profondes des Chinois. Ainsi dans 家乐福 (Carrefour), 福 , signifie
« prospérité », « bonheur », il s’agit d’une idée
très fortement ancrée dans l’imaginaire chinois ; ce caractère
apparaît notamment sur les objets décoratifs, les invitations, les
cartes de vœux et parfois même sur les portes d’entrée des bâtiments au
moment du Nouvel an chinois. La présence de ce caractère dans
l’appellation chinoise du groupe lui confère un positionnement très
fort sur le marché chinois. Les consommateurs chinois perçoivent
Carrefour comme un groupe chinois et non plus comme un groupe français,
ils portent un regard quasi-patriotique sur le leader des hypermarchés.
Ainsi, on entend parfois des Chinois s’étonner lors d’une visite en
Europe de voir que « leur » Carrefour y est
« déjà » implanté! Pourtant, même en Chine, la nouvelle
génération de consommateurs estime parfois que ce nom a vieilli et
qu’il fait référence à une Chine un peu désuète. Aussi, au cours de
l’Année de la France en Chine, Carrefour a mené une politique de
communication intense sur l’identité française du groupe afin de faire
évoluer son image. L’image d’une marque est avant tout une question de
stratégie, certaines marques françaises préfèrent faire valoir leurs
attributs spécifiquement français. Parmi elles, certaines maisons de
luxe souhaitent tirer partie de leur origine française et essayent de
mettre en valeur leur nationalité, par une traduction phonétique non
porteuse de sens.
Certaines entreprises s’efforcent même d’éviter tout nom chinois dans
leurs actions de communication en Chine et préfèrent utiliser leur nom
français, voire un simple sigle. Par exemple, (路易威登, lù yì wēi dēng),
n’apparaîtra que très rarement dans la presse à la faveur de son
appellation française Louis Vuitton (LV). Dans tous les cas, le choix
d’un nom chinois ne se fait pas complètement librement. Il faut, en
effet, et avant tout que ce nom soit disponible sur le marché chinois.
Une recherche d’antériorité peut démontrer que l’appellation souhaitée
n’est pas ou plus disponible. Un travail de création mal dirigé, peu
précautionneux ou unidirectionnel peut s’avérer être une réelle perte
de temps pour l’entreprise, qui, découragée, peut également acquérir,
faute de mieux, de façon très onéreuse, un nom qui a déjà été déposé.
Pour pouvoir opérer une distinction entre deux noms de marque, il
convient d’utiliser la règle des 2 / 3. Si un nom composé de trois
caractères possède deux caractères en commun avec un autre nom de
marque déposé dans la même catégorie, il sera alors considéré comme
étant trop proche de ce second, il ne pourra pas permettre une
identification précise de l’entreprise, au pire, il pourra l’exposer à
une attaque en terme de propriété intellectuelle. Enfin, le travail de
création d’un nom a également ses propres règles ainsi que ses limites.
Généralement, un nom de marque chinois est composé de deux ou trois
caractères. Les noms formés par deux caractères s’appliquent
généralement à des produits de consommation courante. Les noms composés
de trois caractères correspondent en général à des produits plus
spécifiques ou des enseignes importantes. Les noms de plus de quatre
caractères sont rares ou sont de simples transcriptions phonétiques des
marques étrangères, c’est la cas pour Louis Vuitton ou Yves
Saint-Laurent. Les caractères chinois sont certes nombreux, mais
cependant en nombre fini. Les caractères les plus utilisés sont soit
aisément mémorisables, soit porteurs d’aucune connotation négative.
Trouver un nom chinois adapté relève donc d’un art subtil alliant
créativité, connaissance des acteurs du marché, recherche et pertinence
stratégique. Enfin, compte tenu des différences de prononciation
existant sur le territoire chinois – mandarin, cantonais, shanghaien -
un excellent nom à Beijing peut s’avérer désastreux à Canton ou
inversement. Le travail de création du nom de marque doit donc
obligatoirement prendre en compte la diversité linguistique du
territoire chinois.
Source: Vladimir
Djurovic (Labbrand)
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